Victoire des salariés d’Alcatel

Date : lundi 15 novembre 2004 @ 23:00:41 :: Sujet : Alcatel

Article paru sur l'Humanité du 10 décembre 2004. La cour d’appel de Versailles a annulé 170 licenciements pour faute « achetés » par Alcatel Câble France pour dégraisser sans plan social. Après le jugement Wolber la semaine dernière, c’est une deuxième salve, encore plus retentissante.


Hier matin, la cour d’appel de Versailles a ordonné la réintégration de 170 salariés de l’entreprise Alcatel Câble France (ACF) de Conflans-Sainte-Honorine dans les Yvelines, et le paiement des salaires des deux ou trois années écoulées depuis leur licenciement. La cour a en effet jugé que leurs licenciements étaient nuls, tout comme les transactions qui les accompagnaient. Cette décision met en échec la tentative d’Alcatel de contourner la législation sur les licenciements économiques collectifs en procédant à des licenciements individuels « arrangés ».


L’affaire remonte à fin 2001, lorsque ACF décide de fermer son usine de fibre optique de Conflans-Sainte-Honorine (651 salariés). Pour faire des économies et diminuer les risques de réaction collective, Alcatel envisage alors de se débarrasser d’un grand nombre de salariés en leur proposant un arrangement : une grosse somme d’argent (jusqu’à 22 000 euros) en échange d’un licenciement pour faute et d’un engagement à ne pas entamer d’action en justice. Pour les pousser à accepter le deal, la direction impose un chômage partiel, qui les met en difficulté financière et leur donne à penser que l’avenir de l’usine est compromis. Entre février 2002 et janvier 2003, près de la moitié d’entre eux acceptent une transaction.


Mais, début 2003, la direction met en place un plan social en bonne et due forme pour les 300 salariés restants. Au terme de la procédure, ceux-ci touchent une prime de 60 000 euros et bénéficient d’aides au reclassement. Ceux qui ont signé les transactions comprennent alors qu’ils ont été floués. En septembre 2003, l’un d’entre eux, Giovanni Santoiemma, contacte la CGT et révèle l’affaire. De fil en aiguille, 182 ex-salariés soutenus par la CGT attaquent ACF aux prud’hommes en référé, pour demander l’annulation de leurs licenciements et leur intégration dans le plan social. Aux prud’hommes de Versailles et Saint-Germain-en-Laye, les débats se cantonnent à la question de la compétence territoriale soulevée par l’avocat d’Alcatel. Le fond de l’affaire a donc été abordé pour la première fois à l’audience de la cour d’appel de Versailles, le 23 septembre dernier.


« La cour a annulé des licenciements individuels pour défaut de plan social, c’est une décision historique, se félicite Alain Hinot, défenseur syndical CGT des salariés. Depuis la création de l’obligation de plan social dans les années quatre-vingt-dix, les employeurs cherchent toutes les solutions pour contourner la loi. Pour la première fois, la justice démantèle une de ces stratégies. » « C’est énorme, ce que nous avons gagné contre un groupe qui se croyait tout-puissant », s’émeut Giovanni Santoiemma, toujours au chômage. Sur les 182 dossiers, le tribunal a écarté 12 cas de départs en retraite anticipée et de démissions. « Pour les 170 autres, le tribunal ordonne une réintégration immédiate dans l’emploi, souligne Alain Hinot. L’usine est démantelée, mais peu importe. Alcatel doit leur verser les arriérés de salaires et continuer de les payer. Puis il va devoir leur faire des propositions de reclassement dans le groupe, ou mettre en oeuvre un nouveau plan social. » Le syndicaliste espère que l’affaire, bouclée en moins d’un an, « montrera la voie à suivre aux salariés », dans une utilisation « offensive » du référé. La plupart des contestations de plans sociaux, plaidées au fond et sans demande de réintégration, aboutissent à de simples dommages et intérêts pour les salariés, plusieurs années après les licenciements. « L’affaire Alcatel montre aussi qu’il faut absolument se battre contre le projet du gouvernement de cantonner dans un délai d’un an la possibilité d’agir en justice contre un plan social, pointe Alain Hinot. Dans notre cas, un tel délai aurait empêché l’action. »


Fanny Doumayrou







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